Fait à Marrakech en 1216-1217
(Musée Paul Dupuy de Toulouse)

Vingt-sept étoiles sont représentées sur l'araignée. Il y a sept tympans valables à partir de Sijilmassa (sud Maroc) jusqu'à Saragosse (nord Espagne).
Un huitième tympan présente les maisons astrologiques pour la latitude de Fès


1- Introduction :

  Durant le Moyen Age, la civilisation arabe a joué le pendant de la civilisation byzantine (Corpus Iuris Civilius justinien).
Byzance étendait son influence sur l'Asie Mineure.
Les califats dominaient la Perse, l'Arabie, l'Espagne, et la Sicile. La langue commune était l'arabe. Une forte civilisation existait au Yémen, avec ses poètes, ses agriculteurs et ses bédouins qui utilisent les étoiles pour leur vie de tous les jours: plantations, traversées du désert,…
  Durant la période héroïque de la conquête, de la mort du Prophète en 632 à la défaite de Poitiers en 732, les Arabes ont fait très peu d'études astronomiques.


2- Les bases astronomiques de l'astronomie arabe :

    Les premiers éléments d'astronomie sont pour la plupart dérivés de l'Inde :
-position et mouvement des principaux astres pour s'orienter, -époque d'apparition des étoiles les plus brillantes pour régler la vie annuelle, -connaissance de Vénus et de Mercure.
   Le "Brähmasphutasiddhänta" écrit en sanscrit par Bramagupta (628) fut traduit en arabe en 771 (As-Sind-hint) sous le Calife Al-Mansour de Baghdad (califat des Abbassides). Baghdad devient le centre culturel et scientifique le plus brillant de l'époque. C'est à cette époque que les Arabes adoptent les signes trigonométriques hindous.


   Le second apport à l'astronomie arabe fut persan. Il se produisit dans la seconde moitié de VIIIe siècle par la rédaction des "Tables Astronomique du Roi " (Zik i Shator-ayar) grâce aux données hindous jusqu'au milieu du XIe siècle et surtout furent améliorées par l'astronomie arabe naissante.
Au VIIIe siècle :
   - L'astronome Ibrahim ibn Habib al-Fazari traçait les éléments et les méthodes de calcul de ses tables astronomiques (Zig) adaptées aux années lunaires musulmanes,
    - L'astronome Ya'qub ibn Tariq rédigeait un texte sur la composition des sphères célestes.
   L'un des principaux travaux de cette époque fut l'adaptation des tables astronomique pour le méridien d'Uzayn, considéré comme le méridien central des terres habitées (à comparer avec celui utilisé par Ptolémée).

3- Les Arabes et l'Almageste :

  
La plus grande impulsion à l'astronomie arabe allait venir de l'astronomie de Ptolémée. L'Almageste fut traduit une première fois au milieu du VIIIe siècle par le mécénat de la famille des Barmecidi. La traduction fut assez médiocre et pas assez proche du texte de Ptolémée.
   L'influence de l'Almageste se fit sentir chez les Arabes après meilleures traductions, parmi lesquelles :
      - celle de Al-Haggiag ibn Yusf ibn Matar (827-28),
     - celle de Hunayn ibn Ishàq (mi-IXe), traduction revue par Thabit ibn Qurrah, l'un des meilleurs scientifiques arabes qui vécut à Baghdad (835-901).Thabit traduisit de nombreux ouvrages grecs de mathématiques, d'astronomie, de géographie et fut l'auteur de la théorie de la trépidation et de l'oscillation des étoiles fixes qui s'avéra fausse bien plus tard.

   Nombreux astronomes arabes furent de bons observateurs et d'habiles calculateurs. Il surent confronter avec perspicacité le résultat de leurs observations avec la prévision de leurs calculs.

A cette époque la contribution des astronomes arabes à l'astronomie se fit en trois points essentiels :
    * récolte d'observations,
    * améliorations des instruments d'observation astronomique,
    * développement de méthodes mathématiques pour une meilleure représentation des mouvements apparent
       des corps célestes.

4- Les observations astronomiques et les instruments arabes :

  
Dès le califat de Al-Ma'mum (813-833), les observations astronomiques eurent lieu dans des observatoires où furent rassemblés et astronomes et mathématiciens. Les deux premiers furent à Damas et à Baghdad, et continuèrent leurs travaux jusqu'à la fin du Xe siècle.

Les principaux astronomes et mathématiciens furent:

* Al-Kuwarizmi mort après 847. C'est de la déformation de son nom que naît le mot "algorithme".
* Yahya ibn Mansour mort en 830, crée l'œuvre capitale de l'astronomie arabe "az Zig al-muntahan"(Tables Astronomiques).Elles furent un progrès sur l'Almageste notamment par la précision des observations astronomiques.
* Thabit ibn Qurrah,IX-Xe ,traducteur d'ouvrages grecs et théoricien de la trépidation des étoiles fixes.
* Al-Farghani, XIe. Ses œuvres traduites en latin furent utilisées jusqu'à la fin de la Renaissance.
* Abu-l-Wafa al-Buzagiani (940-998) apporte de grands progrès à la trigonométrie sphérique. C'est un grand géomètre et un grand arithmétiste.
* Les observateurs de Rakhah sur l'Euphrate et d'Antioche parmi lesquels l'astronomie musulman le plus éminent, El-Battani (858-929), connu spécialement pour la mesure de la précession et du mouvement de l'apogée du soleil, pour ses observations précises et pour ses développements de la trigonométrie sphérique.
* Ibn Al-Haytham, esprit encyclopédique.
* Al-Zarquali, XIIe, contribua au mouvement propre de l'apogée du soleil; son influence sur l'Europe durera jusqu'à la fin du XVIe (Table Tolédanes).
* Les astronomes du Caire, d'Afghanistan, là où vécut le célèbre Al-Buruni (973-1048) le plus éminent scientifique du Moyen Age musulman.
* Dans une époque plus avancée, notons les observateurs de Maragah (Perse occidentale), Observatoire fondé par Nassir Eddin avec les meilleurs instruments de précision de l'époque.
* Et enfin l'observatoire de Samarkand (Turkestan) fondé par Ulug Begh, neveu de Tamerlan, vers 1420. C'est dans cet Observatoire que fut édite l'un des plus importants catalogues d'étoiles.

   Les instruments utilisés furent des cadrans muraux, l'alidade longue et la montre solaire et celle à eau. La précision obtenue fut supérieure à celle d'Hipparque et de Ptolémée. Elle fut comparable à celle de Tycho-brahé (1546-1601) quelques siècles plus tard. Ce dernier fut le dernier observateur à l'œil nu avant l'utilisation de la lunette par Galilée.

   Les instruments portables tels que les astrolabes (originaires des grecs du temps d'Hipparque mais fortement perfectionnés par les Arabes) leur permirent la détermination de l'angle horaire à travers la résolution graficomécanique du triangle sphérique.

Parmi les découvertes faites par les astronomes arabes, il faut noter :

4.1- le mouvement des apogées planétaires et solaires :

  L'un des grands mérites des astronomes du Califat de Al-Ma'mun (813-833) est d'avoir reconnu que l'apogée du soleil est soumis au même mouvement de précession que les étoiles fixes et que les planètes. Ce fut la grande découverte de l'Astronomie Arabe.

Notons que cette conclusion passe par la mesure

¤ de l'année sidérale, temps mis par le soleil pour se retrouver sur la même étoile, et
¤ de l'année anomalique, temps mis par le soleil pour repasser à son apogée.

Ces mesures faites par les astronomes arabes furent surprenantes.

Thabit (IX-Xe) trouva:

¤ 365j 6h 12mn 9sec pour l'année anomalique,
¤ 365j 6h 13mn 53 sec pour l'année sidérale.
Soit un
Dt » 2 minutes de temps seulement

   Az-Zarqali, XIIe, a même attribué au mouvement de l'apogée du soleil un petit mouvement différent de la pression.
   Cependant, ils n'ont pas découvert que ce mouvement de précession ne peut qu'être dû au mouvement de la Terre sur elle-même, en plus du mouvement autour du soleil, qui est connu depuis l'antiquité (Aristarque de Samos).

LE MOUVEMENT DE PRÉCESSION. En plus de tourner sur elle-même, la Terre comme une toupie, présente une lente dérive de la direction de son axe de rotation.

VERSION SIMPLIFIEE  DU SYSTÈME GÉOCENTRIQUE DE PTOLÉMÉE. Grâce à ce système sophistiqué, Claude Ptolémée expliquait et prédisait le mouvement apparent des planètes dans le ciel, y compris le mouvement rétrograde. Cette vision géocentrique s'imposa jusqu'à ce que des mesures plus précises, et accumulées pendant assez longtemps, viennent montrer que quelque chose de fondamentale n'allait pas.

4.2- la variation de l' obliquité de l'écliptique :

   La mesure de la déclination des astres par leur passage au méridien permet soit la mesure de l'inclinaison de l'écliptique, soit la détermination de la date de l'équinoxe.
   Les bonnes observations arabes permirent de découvrir la variation dans le temps de l'obliquité de l'écliptique.
   En Grèce, d'Erastothène à Ptolémée, on admit la valeur de 23°51'20" pour l'obliquité de l'écliptique.
   La mesure de AL-Battani (IXe) de 23°35' avec une précision inférieure à la minute d'arc put s'interpréter soit par une variation lente de l'obliquité, soit par une oscillation. Les astronomes arabes n'avaient ni les instruments précis, ni les théories pour conclure. Il fallait donc attendre la fin du XVIIIe siècle pour savoir que cette variation est une lente oscillation dans les limites de 2°30'.

4.3- Le mouvement de Vénus :

   Ptolémée assigne à Vénus un épicycle de la planète différent de celui du soleil, alors qu' Euraclide propose que l'épicycle de la planète est dans le soleil.
   La précision des observations des astronomes arabes leur permit de mettre en évidence une parfaite concordance de comportement de l'apogée, de l'excentricité et de l'équation du centre du Vénus avec les mêmes éléments du soleil, chose que Ptolémée aurait pu faire en choisissant les rayons relatifs des épicycles de Vénus et transformer cette dernière en satellite du soleil.

   Voici les quelques découvertes essentielles des astronomes arabes. On peut y ajouter d'autres comme la troisième inégalité du mouvement de la lune, celle de trigonométrie sphérique, des mathématiques et de géodésie qui paraissent fort difficiles pour l'époque.


5- Les astronomes arabes et la nature physique des sphères célestes :


  Les sphères célestes ont été introduites dans l'astronomie par Eudice de Cnide (408-355 avant JC), qui fut appelé
le
divin parce qu'il répondit à la question de Platon : comment représenter les mouvements des planètes ? Plus tard, Aristote les encastra les unes dans les autres enfermant ainsi l'Univers dans des sphères de "cristal". Eudice proposait 27 sphères et en 1535, Girolamo Fracastro en propose 79. Ptolémée préfère laisser courir les planètes sur des cercles. Mais en conclusion, la théorie des sphères semble avoir intéressé beaucoup plus les philosophes que les réels astronomes.

  Des questions plus physiques apostrophèrent les Arabes, l'origine de la lumière des planètes et des étoiles, par exemple.
  Tous les philosophes et les astronomes arabes reconnaissent que la lumière lunaire vient du Soleil, les seules discussions ont lieu sur les mécanismes de réflexion de cette lumière.
 

  Plusieurs hypothèses sont émises pour les tâches lunaires par les différent astronomes: les Syriens proposent des montagnes et des vallées, d'autres des vapeurs s'élevant de la surface lunaire, d'autres enfin, comme Averroès, proposent des variations de densité et d'opacité du sol lunaire.
  

   Par contre, il est admis à l'époque que les étoiles et les planètes brillent de leur propre lumière.
   Al-Bitrugi (fin XIIe), dit Alpetragius, dit que Vénus et Mercure ont leur lumière propre puisqu'elles n'ont pas de phase "comme la Lune".

   Il est à noter que les phases de Vénus ont été découvertes par Galilée avec sa lunette. Il a ainsi été convaincu que Vénus tournait autour du Soleil et que par conséquent le système de l'Univers d'alors était héliocentrique.
   Fahkr ad-din ar-Razi indique avoir vu des tâches sur le Soleil.
  Elles furent interprétées à tort comme le passage de Mercure ou de Vénus sur le disque solaire, passage que Ptolémée refusait de concevoir.
   Par leurs calculs, les Arabes démontrèrent la possibilité de ces passages.

Les taches solaires sont des zones où la température des gaz est de 2000 °K inférieure à celle de la photosphère environnante ; c'est pourquoi elles paraissent sombres. Les taches correspondent aussi à des zones de champ magnétique intense

6- La diffusion de l'astronomie Arabe en Occident Européen :

   L'occident européen a connu l'astronomie grecque par les textes latins et castillans (espagnols) traduits des textes arabes qui eux-mêmes furent traduits des textes grecs. Dans de tels textes, on peut aujourd'hui retrouver l'apport de l'astronomie arabe.
   Deux centres furent particulièrement des lieux de rencontre entre les civilisations arabe et européenne:

     - l'école médicale de Salerne (Italie) vers 850. Son rapprochement avec le monde culturel arabe se fit spécialement
       à travers la collaboration d'éléments hébreux (le philosophe Maimonide, Xe).

     - les centres culturels d'Espagne comme celui de Tolède sous le règne de Alphonse X, Roi de Léone et de Castille,
      XIIIe. Il fut lui-même un grand astronome qui rédigea avec l'aide du rabin Isaac Abensid (dit Hazar) les
      fameuses "Tables Alfonsines" ainsi que la volumineuse encyclopédie en plusieurs volumes dite "Libros del Saber".

   Notons aussi quelques traductions de textes arabes en latin dans le domaine astronomique au XIIe:

    * celles par Gérard de Cremone et de Jean de Séville qui traduisirent :

¤ les écrits de Al-Kuwarizmi,
¤ le compendium de l'astronomie de Al-Farghani, XIe, très utilisé jusqu'au XVIe et cité par Dante dans 
   son "Convivio",
¤ le texte "De motu octavae spherae" de Thabit, qui a eu un grand succès,
¤ le traité d'astrologie de Alcabrizio, qui a eu une grande diffusion en Europe,

* celles de Plato de Tivoli (Italie) qui traduisit :

¤"as-Zig" de Al-Battani qui furent utilisées jusqu'au XVIIe,
¤"Opticae Thesaurus" de Al-Haytam, utilisées jusqu'au XVIe.


7- L'influence de astronomie arabe :


  Étudier l'influence de l'Astronomie Arabe est écrire l'histoire de l'astronomie du XIIe au XVIe où l'astronomie occidentale est la continuation de l'astronomie arabe sur le chemin tracé par Hipparque et Ptolémée.

  Quelques astronomes européens ont effectué des travaux importants, mais ils ne purent se mesurer avec les astronomes arabes dont les découvertes furent essentielles :

* variation de l'inclinaison de l'écliptique sur le plan équatorial,
* mouvement de l'apogée du Soleil,
* la troisième inégalité du mouvement lunaire.

   Nous donnerons cependant ici quelques noms d'astronomes européens avec leurs principales découvertes:

- Ruggero Bacone XIIe. On lui doit un calcul précis de la précession des équinoxes et la prévision de la nécessité de réformer le calendrier.
- Jean de Holyhood, WIIe, dit Sacrobosco qui écrivit le traité d'astronomie sphérique "Sphera mundi" encore utilisé au XVIIe.
- Jean Bianchini de Ferrare, XVe, qui rédigea la "Nuova Tavola dei Movimenti Celesti".
- Le centre de Vienne, XVe, avec Geoges Pubach, le célèbre mécène Bernard Walther (constructeur d'instruments astronomiques), et Jean Müller, dit Regiomontanus qui fut le réanimateur de l'astronomie en Europe.
- Enfin Antonio Magini de Bologne, contemporain de Galilée, auteur de volumineuses tables astronomiques.

   Vers le XVe, et du point de vue strictement astronomique, l'Europe assiste à la décadence de la culture arabe en Espagne et à l'arrêt complet de la science astronomique.
   Par contre, en Orient, la mesure de la variation de l'inclinaison de l'écliptique se poursuit au XIVe par Ibn ash Shatir.
   Aussi à Samarcande (en Perse) où le Sultan Ulug Begh, neveu de Tamerlan, fonda une Académie des Sciences avec un Observatoire d'avant-garde avec un gnomon de 180 pieds.
   Là, de nombreux astronomes musulmans éminents donnèrent les "Tables du Soleil" qui furent les plus précises de l'astronomie musulmane et qui furent aussi plus précises que celles de Képler "Tabulae Rudolphianae".

 

8- L'Astronomie Arabe et le système héliocentrique :

   La question est : pourquoi les Arabe si habiles observateurs, ayant obtenu des succès notables en théorie, sont-ils restés sans progrès notables en cosmologie?
Pourquoi ont-ils poursuivi l'étude des sphères qui est loin de la hauteur de leurs capacités d'observation et de leurs mathématiques?
    Ils se sont empêtrés dans les sphères de Ptolémée alors qu'ils avaient les moyens de décider qui était le centre de l'Univers, ou bien la Terre, ou bien le Soleil.
   Pourtant les connaissances issues de l'observation à Baghdad, en Egypte et en Espagne étaient celles qu'avait eues plus tard à sa disposition Copernic. Les astronomes arabes avaient aussi les connaissances grecques, celles de Euraclide et de Aristaque de Samos. Ils auraient pu trancher.
   C'est étonnant que la simplicité copernicienne leur ait échappé. C'est Copernic qui a su mathématiquement et géométriquement retrouver le système héliocentrique.
    Peut-être que leur interprétation du Coran leur donnait une interprétation géocentrique de l'Univers ?
   Avant les découvertes de Galilée, Copernic a passé une dizaine d'années en Italie au moment de la Renaissance. Le bouillonnement des idées dans les Universités où tout était remis en cause, lui ont permis de développer les mathématiques pour expliquer le système héliocentrique de l'Univers de l'époque (le système solaire).
Ces développements mathématiques furent les seuls arguments indiscutables qui purent le convaincre de la "vérité" de sa conception du Monde.


En conclusion :

   Mis à part cette "occasion perdue" par les astronomes arabes, il faut savoir reconnaître en eux de grands observateurs, de grands facteurs d'instruments, de grands mathématiciens et donc de très grands astronomes. Ils ont apporté de grands progrès à notre Science contemporaine.


"Parmi les sciences connues et révélées, la plus raffinée pour l'être, la plus fascinante pour le cœur, la plus brillante pour l'âme, la plus généreuse pour la connaissance, la plus nourricière pour l'esprit après la connaissance théologique reste sans contexte l'astronomie".
Al- Battani

Retour