La nature est menacée. La nature, ce n'est pas seulement le lieu de
travail des ruraux, ou pour les citadins ce décor de verdure qu'ils
rêvent de leur fenêtre. Ce sont des biens élémentaires indispensables,
air, lumière et eau, ce sont des ressources énergétiques et minérales
que notre civilisation consomme à une vitesse inquiétante, c'est un
ensemble de processus biologiques dont dépend notre existence. Ce sont
aussi à la limite les paysages, ces espaces humanisés qui forment le
cadre de notre vie.
Si la nature est menacée l'homme l'est aussi, car elle vit avec nous,
comme nous vivons d'elle. Nous avons en quelque sorte perdu le contact.
Notre pays, naguère rural par ses activités et son esprit, est devenu
industriel et urbain. L'esprit de la ville et l'esprit de production, ou
plutôt de fabrication, ont oblitéré la longue expérience des
générations antérieures. "L'environnement", disait Louis
ARMAND, "est un langage dont la grammaire était autrefois
naturelle". Notre pouvoir technologique tout neuf a commencé par
effacer ce respect ancestral des équilibres naturels, nous conduisant à
oublier que notre existence reste inscrite entre eux. Aujourd'hui, la
multiplication inconsidérée de nos consommations et de nos déchets nous
rappelle à l'ordre. A l'échelle de notre localité, de notre pays, comme
à celle de notre planète le problème de l'environnement est posé.
Nous sommes avertis d'avoir à dépasser cette première confiance trop
aveugle en l'ingéniosité de notre civilisation industrielle, d'avoir à
démasquer cette fausse innocence de chacun de nos gestes. Il nous faut
retrouver le respect de la nature dont dépend aujourd'hui la poursuite du
progrès. C'est une affaire d'Etat, certes, mais aussi c'est l'affaire de
chacun et de tous. La protection de notre environnement doit bien être,
quelles que soient nos activités, un souci permanent. Notre
responsabilité est en jeu. Mais ceci ne serait que formule de prêche si
cette responsabilité ne se fondait pas, en chacun de nous, sur la
connaissance des équilibres naturels et de l'impact sur eux de nos
actions. L'objet de ce cahier est précisément d'inciter à cette
connaissance. Il n'est pas de fournir un compendium scientifique, mais de
présenter, à partir de quelques faits et de quelques idées, une
approche, une voie d'accès à la compréhension de cette globalité
qu'est notre environnement. Il ne prétend pas satisfaire la curiosité
scientifique, mais plutôt l'éveiller. Le savoir qu'il contient - savoir
actuel que les recherches demain modifieront ou préciseront - est peu de
chose. Mais ce peu est essentiel. Il est même suffisant si on ne se
contente pas de le savoir, si on s'efforce de le comprendre, et sur cette
base de réfléchir à tout le reste. Car ce cahier est fait pour rouvrir
une dimension de culture vécue, de culture pour vivre. Ce dossier est
donc un appel à tous les maîtres, un appel à tous les enfants de
l'école pour que, dès aujourd'hui, nous réapprenions à traiter la
nature comme il convient et à connaître notre environnement pour
l'améliorer. C'est aussi un appel à l'esprit d'invention et de création
des jeunes et des enseignants. S'il donne quelques exemples de ce qu'une
classe peut découvrir, ceux-ci ne sont que des points d'appui. Ce
fascicule n'est donc pas un manuel ; dans l'esprit qui a présidé à sa
réalisation il se situe quelque part entre un livre, un guide pratique et
une source d'inspiration et d'information. Il doit rester ouvert et sera
très certainement perfectionné ou complété. De la même façon ce
problème de l'environnement qu'il pose, il convient de le laisser lui
aussi ouvert, ouvert à l'invention, au travail, au génie humain. Il
serait criminel de l'ignorer. Il le serait autant de l'enfermer dans des
perspectives catastrophiques. Ne mettons pas non plus la nature sous
cloche. L'humanité n'a cessé de la façonner en biaisant avec elle.
Serions-nous devenus d'un coup, au moment même où nos connaissances
s'enrichissent prodigieusement, incapables de poursuivre cette
cohabitation dynamique ? Soyons vigilants mais confiants. Ce dossier nous
montre que nous sommes loin d'avoir épuisé les leçons de la nature.
Sachons au contraire y découvrir, y retrouver la clé de notre avenir.
Bettaibi amani
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